jeudi 19 juillet 2012

Sortilège soumatranais


Au détour d'une route sinueuse à Pasaman, il est un lieu de tourisme local et de pélerinage bien mystérieux:


Lubuk Landur est un bras de rivière où l'eau est plus profonde qu'ailleurs, exceptionnellement poissonneux. Quand on aperçoit  parfois quelques silhouettes furtives dans d'autres rivières, on voit là des dizaines de gros poissons s'entremêlant dans les bassins formés entre les roches rondes et noires. On raconte qu'il y a plusieurs générations de cela, un chef religieux a jeté un sort aux poissons de cette rivière; nul ne pourrait les manger, sous peine de voir son ventre gonfler jusqu'à ce que mort s'en suive. Une fois l'an seulement, le sort est momentanément levé, la pêche est autorisée et le produit de la vente des poissons est attribué à la construction/rénovation de la grande mosquée qui s'élève sur le rivage. 


Seulement, il est arrivé que le jeteur de sort meure subitement  (la légende ne dit pas si c'est d'une indigestion de poissons géant) et qu'il emporte le secret du sortilège dans sa tombe. On ne put donc plus pêcher à Lubuk Landur pendant de longues périodes et les poissons grossirent parfois jusqu'à atteindre la taille d'une jambe, jusqu'à ce qu'un autre chamane bien renseigné put à nouveau lever le charme. 


Voilà ce qu'on m' a raconté, je vous laisse échafauder raisonnements rationnels et/ou des analyses sociologiques qui dissiperaient la magie des lieux, j'ai moi-même essayé en vain de distinguer entre les cabanes bringuebalantes qui courent le long de la rivière la trace d'un barrage ou d'une explication, mais je n'ai eu que le temps d'apprécier furtivement l'ambiance très particulière de Lubuk Landur, où l'on attend avec un respect craintif la venue du Cheikh de la mosquée pour faire ses ablutions parmi les poissons.

Cet homme n'est pas le Cheikh mais mon mari, ne pas confondre.



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