samedi 1 décembre 2012

Si tu vas à Bali, n'oublie pas de monter à Keliki


Près d'Ubud, la spécialité du petit village de Keliki est la peinture de miniatures représentant la vie quotidienne, les rituels et cérémonies ou les figures de divinités hindous. 

 



Certains peintres de Keliki accueillent au coeur de leur "balé" (ensemble d'habitations familial) des visiteurs qui souhaitent connaître la vie quotidienne des balinais de Keliki. Après une semaine passée à découvrir les merveilles de Bali en dormant dans des hôtels plus traditionnels, nous avons posé nos bagages chez Dolit et son frère Denik et c'est là que nous avons pu apprécier l'infinie gentillesse des balinais dont j'avais entendu parler, sans encore la ressentir tout à fait. Peut être cela n'était-il du qu'à la belle qualité humaine des familles qui nous ont accueillis, ou peut être Keliki est-il une enclave d'authenticité à Bali où les rapport avec les étrangers sont altérés par le tourisme de masse? Toujours est-il que nous avons passé 5 jours parmi eux, dormant dans des chambres dont le confort était digne des précédents hôtels où nous étions passés, mais où l'environnement et la chaleur de l'accueil nous laissait rêver que nous étions des amis de passage.


Leur site internet est en français (voyez plutôt , à lire, c'est très bien fait) car l'organisation de cet accueil est orchestrée par Yves, un français amoureux de Bali, et certains peintres, comme Dolit, parlent même la langue de Molière. Depuis Keliki, des excursions sont organisées pour découvrir les environs d'Ubud. Il est possible aussi de louer un scooter et de se promener librement  comme nous l'avons fait. Un soir, Dolit nous a emmené voir un spectacle de danse Kecak, pièce traditionnelle dansée spectaculaire dont le final montre un homme dansant sur le feu.



Pendant notre séjour, nous avons passés quatre matinées attablés sous l'abri au milieu de la cour, en suivant les instructions de Denik pour réaliser deux petites peintures. Notre travail était guidé pas à pas, chaque ligne de dessin, chaque application de couleur répondait aux indications proférés d'une voix douce par Denik. 



Dès le départ, j'ai eu envie de réaliser un travail plus personnel. Face à ma requête, je sentais poindre l'hésitation derrière un acquiescement souriant très indonésien. En écoutant ensuite Ketut, sa belle soeur également peintre à ses heures, j'ai compris ce que ma demande avait de déplacé:  avant de réaliser seule une peinture du premier trait de crayon au dernier coup de pinceau, et en choisissant le sujet, elle avait prix des cours  avec son mari pendant deux ans! J'ai donc ravalé mes ardeurs créatives pour me soumettre sagement au patient processus de création imposé par l'école de Keliki. Une fois revenue chez nous, j'ai pu appliquer la technique apprise à Bali à un sujet choisi parmi mes photos, et j'essaie depuis d'entretenir ce précieux savoir ramené de l'île des Dieux.


Alors, si vos pas vous mènent jusqu'à Bali, arrêtez-vous à Keliki, que vous aimiez ou pas le dessin, car si vous voyagez dans le dessein de vous imprégner d'autres cultures et de faire de belles rencontres, vous devriez être comblés.






jeudi 1 novembre 2012

Semar



Parmi les personnages du Wayang, le théâtre javanais, Semar est emblématique. Le Wayang raconte les histoires du Mahâbhârata et du Râmâyana, mais le personnage de Semar n'appartient qu'aux versions javanaises et balinaise. Certains disent qu'il serait un vestige des croyances antérieures à l'hindouisme, introduit à Java autour du Vème siècle.
La silhouette de Semar est facilement reconnaissable avec son gros ventre et sa poitrine proéminente, un fessier généreux, une houppette sur la tête et des dents en avant. Ce physique disgracieux est habitée par une belle âme dont les qualités sont vénérées par les javanais. Il joue le rôle du clown mais surtout de conseiller, protecteur du petit peuple, les princes se réfèrent à sa sagesse légendaire.


Dans mes bagages, j'avais emporté ce livre:


J'attendais d'être immergée dans le contexte pour me plonger dans la lecture de ce livre bilingue, espérant améliorer ma connaissance de la langue et de la culture javanaise. Finalement, je m'en suis surtout tenue à la lecture des pages de droite... mais c'est un livre à lire et à relire, peut être un jour pourrais-je me contenter des pages de gauche en indonésien?

De ces pages, j'ai appris le mot "sosok" qui signifie "silhouette", notamment dans ce passage qui vous donnera une idée plus précise du style fantastique et poétique qui fait toute la saveur de ce conte philosophique:

"La nuit se fond dans la fraîcheur des perles de rosée, les poules caquètent doucement. Elle se délave de bleu et se tache de rouge. Dans cet océan de nuit bleutée nagent des poissons en forme de fleur de lotus. De cette silhouette surgit une lame en forme de tige de lotus. L'atmosphère se charge de louanges merveilleuses. Les abeilles bourdonnent, les oiseaux gazouillent, les poissons frétillent, les fleurs ouvrent leurs calices. Sang Hyang Ismayajati (autre nom de Semar, ndlr) apparaît dans tout son être: c'était son âme, la lame-lige-de-lotus. Son corps était resté sur terre, sous l'aspect des Semar de chimère."

Comme les gens du clan des Kurawa dans cette histoire, j'étais à la recherche de Semar, mais il est présenté ici dans toute sa complexité, silhouette  insaisissable et multiple, inattendue, surnaturelle. 

Tenter de résumer ou de synthétiser cette revisite contemporaine du mythe de Semar relève pour moi de l'impossible. Ce conte raconte d'ailleurs les vaines tentatives de chacun pour s'accaparer la puissance bénéfique de Semar, qui chaque fois disparaît, ou se démultiplie en faux-semblants. Je crains d'être frappée de la même malédiction si j'essayais de tracer ici d'un trait ferme et précis les contours de ce personnage.

La lecture de ce livre est un voyage tourné vers la contemplation de la nature célébrant la généreuse beauté de la terre d'origine à laquelle Semar est intimement lié. 


S'il fallait choisir un décors idéal pour entamer ce voyage, ce serait sur les pentes du Mont Ungaran non loin de Semarang, où s'élève un temple très ancien, le Candi Gedong Songo, il y règne une athmosphère mystique de toute éternité.







dimanche 30 septembre 2012

Wayang kulit

C'était la première fois avant hier que j'ai eu la chance d'assister à un spectacle de théâtre d'ombre javanais, trouvé un peu par hasard: en passant le long de l'alun-alun dans l'après-midi nous avons vu qu'une très grande tente y avait été montée, abritant un grand écran face à des centaines de chaises bien alignées, des gamelans (percussions indonésiennes) attendaient de résonner dans la nuit noire.



 La place fourmillait d'une animation plus dense encore ce soir là, aux habituels loueurs de rollers et de trottinettes, vendeurs de brochettes, de crêpes, de jouets, s'étaient ajoutés de petits warungs (boutiques, restaurants) éphémères, des vendeurs d'instruments de musique, de livres sur la culture javanaise et de marionnettes au profil alambiqué, répliques de celles qui se préparaient à danser devant l'écran.




Le spectacle a commencé par des chants classiques accompagnés par les gamelans, les voix félines d'un choeur de femmes, strictement apprêtées selon des codes immuables. 



Voici un exemple, proche de ce qui s'est joué ce soir là:




L'une des chanteuses vraisemblablement d'origine européenne se fondait bien à l'ensemble.


Au premier rang, les notables de la ville également vêtus de costumes traditionnels discutaient entre eux. Dans les rangs suivants, la concentration des spectateurs était tout aussi relâchée: on va et on vient, on papote, on baille. Si la partition leur en laisse le temps (si tant est qu'il y en ait réellement une...) les musiciens aussi bavardent et regardent autour d'eux. C'est un mélange de solennité imposée par le décorum, et de détachement absolu animant tous les participants.



Fait étonnant, le spectacle de théâtre d'ombre était ensuite montré à l'envers. Le dalang (le maître des marionnettes)  était du même côté de l'écran que les spectateurs, aussi, pour ne voir que l'ombre des marionnettes se découper sur le drap tendu, nous sommes allés de l'autre côté où quelques spectateurs commençaient à se rassembler.



        

La pièce raconte des épisodes du Mahâbhârata, intégré depuis des siècles à la culture javanaise. Je n'en compris pas un traître mot mais me laissais bercer par la musique de la langue déclamée par le dalang. Je commence à comprendre un peu d'indonésien, mais c'est en javanais que la pièce est dite, à un niveau de langue différent de celui que l'on parle au quotidien.



En mouvement, cela donnait quelque chose comme ça:



Tout autour sur la place, l'animation se maintenait, cumulant à la puissante sono du spectacle, les mélodies lancinantes des marchands de glace et des manèges, et les bruits de circulation de l'avenue voisine. Mon petit garçon se bouchait les oreilles, on a donc laissé continuer sans nous jusque très tard dans la nuit le spectacle de wayang kulit.


vendredi 28 septembre 2012

Les lumières de l'alun-alun

L'alun-alun est une grande place qui propose au centre de chaque ville indonésienne un large espace ouvert souvent orné d'un banian immense, où l'on organise les parades officielles pour la fête nationale par exemple, et où, le soir venu, les citadins se rassemblent pour faire du sport et s'amuser.




L'attraction phare de l'alun alun a Jepara est une sorte de becak, ( "pousse-pousse" indonésien, ou vélo taxi) un pédalo à 3, 4, 5 ou 6 places si on s'y entasse bien, illuminé de guirlandes scintillantes.


A la tombée de la nuit, les petites carrioles brillant de mille feux s'alignent le long du haut trottoir et proposent 3 tours de la place pour 25 000 rupiah (environ 2 euros).


La première fois que j'ai vu ces engins déambuler doucement, j'ai bien ri: certains arborent même de petits rideaux de satin et diffusent dans les oreilles de ses passagers un dangdut (pop indonésienne) retentissant . Je me suis promis de ne jamais participer à ce rituel élevant le kitch au rang de véritable art de vivre.



Seulement voilà, quand vint l'anniversaire de notre fils, j'étais prête à réaliser tous ses souhaits, à faire de ce jour une fête aussi joyeuse que possible pour lui faire oublier un tenace mal du pays. Et parmi ces voeux figurait en première place celui de pédaler dans ces voiturettes...


Heureusement soutenue par Susi, son mari et ses deux petits garçons dans cette épreuve, bravant ma peur du ridicule je suis montée avec eux dans le véhicule étincelant. Nous étions 3 à pédaler, 7 passagers en tout. Pour rendre l'expérience plus folle, j'appuyais sur les pédales avec ardeur espérant vivre  les même sensations que dans le célèbre coucou-casse-cou, mais je ne réussis qu'à faire dérailler l'engin.



Les tours de "becak-haya" ( = becak+cahaya (lumière) néologisme fraîchement inventé) se font nonchalamment, à peine plus vite qu'à pied. Parfois les enfants qui ont loué des rollers s'accrochent en grappe à l'arrière.



Finalement on a bien rigolé dans ce carrosse de fortune, non pas que je ferai des tours tous les samedis soir, non, mais je me suis fait au charme décalé de cette attraction qui fait chatoyer l'alun alun de Jepara by night.


vendredi 14 septembre 2012

Blogueurs de tous pays, unissez-vous!

C'est à la fois très simple et incompréhensible; avec ce simple badge:



Nous (c'est à dire, toi blogueur qui passe par là et qui va faire pareil, et moi) allons contribuer à l'amélioration à l'accès à l'eau potable pour des populations qui en sont privées, et elles sont très nombreuses, 1,5 milliards de personnes, d'après 1001 Fontaines qui lance cette opération et apporte des solutions concrètes pour fournir de l'eau potable à ceux qui en ont besoin, grâce "une usine de traitement simple et robuste de purification par ultraviolets, alimentée par énergie solaire" ... première incompréhension. Comment est-ce possible?

L'autre stupéfaction suscitée par cette initiative provient du mode de parrainage: comment et pourquoi par simple ajout sur mon blog, un don est-il transmis à l'association des 1001 fontaines?

Je m'en vais poser la question aux intéressés, en les informant que j'ai joué le jeux, bêtement, sans comprendre, mais heureuse de participer à ce beau projet, vital.

(Via La Terre sur son 31)



dimanche 19 août 2012

Lebaran

A mes yeux, parmi les nombreux attraits de la ville de Jepara, c'est sa large ouverture sur la mer côté ouest qui est la plus réjouissante. A l'heure où le soleil approche l'horizon, les contemplateurs rejoignent le rivage. La mélopée des récitations du Coran précédant l'éclatant appel à la prière quand le soleil laisse derrière lui reflets scintillants et nuées rosées, rend l'instant plus solennel.




La période de jeûne du mois de ramadan qui s'achève aujourd'hui fait de cette heure dorée  un moment plus intense encore, cristallisant l'attente des musulmans. Quand le disque flamboyant aura été avalé par les flots, ils pourront enfin desserrer leur contrainte, soulager la soif et la faim endurée toute la journée. La longue plainte d'une sirène vient même donner le signal emphatique de la rupture du jeûne.







Le dernier crépuscule du mois de ramadan 1433 a été salué par de truculentes louanges, les muezzins semblaient rivaliser de ferveur toute la nuit; une rumeur rythmée par les pétarades des feux d'artifice qui illuminèrent la première nuit du shawwal, et qui détonnent encore joyeusement ce soir.



Selamat idul fitri!