samedi 28 juillet 2012

Sumatra authentique


En flânant sur le net, depuis la France, nous avons fait connaissance avec Anne, une française amoureuse de l'Indonésie, et plus particulièrement d'un indonésien, Ricky. Elle vit actuellement entre Padang (capitale de Sumatra Ouest) et Nagari Sungai Pinang, un petit village de pêcheur qui semble au bout du bout du monde,  avec son mari et leur joli bébé, Alicia.


Avant de repartir pour Java via Padang nous avons donc fait une escale de 3 jours sur les bords de l'océan indien, saisissant cette chance de les rencontrer, dans un cadre idyllique.



Là, Ricky et sa joyeuse équipe développent une forme d'écotourisme responsable en accueillant des visiteurs de tous pays dans la "beach house" et dans 3 bungalows récemment construits face à la mer. 
Leur très beau site internet http://authenticsumatra.com/ vous présentera leur activité mieux que je ne saurai le faire.

 


Nous étions accueillis dans l'un des trois bungalows sur la plage,  tous étaient occupés par des voyageurs, comme les chambres de la maison, certains dormaient sous la tente sur la plage, d'autres remettant leur départ de jour en jour afin de goûter encore aux bonheurs simples de ce petit paradis. Tous venaient d'horizons différents, ouverts et curieux, partageant une vision du voyage humaniste et aventureuse, beaucoup parlaient français, donnant cette surprenante impression de se trouver dans une enclave francophone secrète...





La première journée, nous partîmes tous ensemble en marchant, accompagnés de quelques membres de l'équipe  en traversant campagne, rizières et forêt profonde jusqu'à de magnifiques cascades descendant le long de rochers énormes. 

             


Je bravais mon incurable peur du serpent mais c'est un autre genre de bébête qui se mit sur notre chemin: de petites sangsues se tortillant au sommet des brindilles le long du chemin, prêtes à se ventouser sur nos mollets et c'est entre les doigts de pied de mon fils que l'une d'elle eut l'impudence de venir se loger! C'était sans compter sur la vigilance de Bam-Bang notre accompagnateur qui la repéra et l’ôta habilement avant de lui faire regretter ce choix en la pulvérisant sans autre forme de procès. Il fallut aussi marcher sur un tronc d'arbre abattu entre deux gros rochers, Bam-Bang saisissant mon fiston sous le bras et bondissant sur le tronc avec une facilité ahurissante, tandis que "Maman" (car c'est comme ça que la bande de djeunz m'appelait...) envisageait l'obstacle à 4 pattes, mettant de côté un instant élégance et dignité pour un passage plus sûr... ça c'était pour le petit côté "Indiana Jones" mais l'impression globale de cette ballade tenait davantage du ravissement devant une nature grandiose et préservée, et de la sérénité communicative des villageois cultivant les rizières de la vallée.

               




Après avoir nagé dans les bassins et sauté depuis de hauts rochers (enfin... en ce qui concerne "Maman", elle s'est contenté de regarder sauter), c'est fourbus mais heureux que nous sommes rentrés, avec le "bonus accueil trop gentil" d'un villageois qui nous a poussé, Maman et son fiston, en scooter, sur le dernier kilomètre. Mention spéciale à Papa Bud' qui a porté son fiston de 20kg sur la quasi totalité du chemin du retour pour cause de sandale cassée et de sangsue affamée.





Une bonne soirée passée sur la terrasse de la "beach house" où l'équipe s'égosille chante avec ferveur au son de la guitare, et une nuit bercée par le bruit des vagues (surfables, surtout en juillet-août, avis aux amateurs) plus tard, nous avons emprunté un bateau de pêcheur le lendemain pour mettre le cap sur un îlot voisin: sable fin, coraux et poissons colorés, hypnotiques dégradés de bleus et escale sur une remarquable plage double formée par un tombolo de sable blanc.




                  




Ce fut un court séjour intensément vécu, qui me laisse comme seul regret de ne pas être resté assez longtemps pour approfondir ces nouvelles connaissances, et comme unique conseil à vous donner: Allez-y!









jeudi 19 juillet 2012

Sortilège soumatranais


Au détour d'une route sinueuse à Pasaman, il est un lieu de tourisme local et de pélerinage bien mystérieux:


Lubuk Landur est un bras de rivière où l'eau est plus profonde qu'ailleurs, exceptionnellement poissonneux. Quand on aperçoit  parfois quelques silhouettes furtives dans d'autres rivières, on voit là des dizaines de gros poissons s'entremêlant dans les bassins formés entre les roches rondes et noires. On raconte qu'il y a plusieurs générations de cela, un chef religieux a jeté un sort aux poissons de cette rivière; nul ne pourrait les manger, sous peine de voir son ventre gonfler jusqu'à ce que mort s'en suive. Une fois l'an seulement, le sort est momentanément levé, la pêche est autorisée et le produit de la vente des poissons est attribué à la construction/rénovation de la grande mosquée qui s'élève sur le rivage. 


Seulement, il est arrivé que le jeteur de sort meure subitement  (la légende ne dit pas si c'est d'une indigestion de poissons géant) et qu'il emporte le secret du sortilège dans sa tombe. On ne put donc plus pêcher à Lubuk Landur pendant de longues périodes et les poissons grossirent parfois jusqu'à atteindre la taille d'une jambe, jusqu'à ce qu'un autre chamane bien renseigné put à nouveau lever le charme. 


Voilà ce qu'on m' a raconté, je vous laisse échafauder raisonnements rationnels et/ou des analyses sociologiques qui dissiperaient la magie des lieux, j'ai moi-même essayé en vain de distinguer entre les cabanes bringuebalantes qui courent le long de la rivière la trace d'un barrage ou d'une explication, mais je n'ai eu que le temps d'apprécier furtivement l'ambiance très particulière de Lubuk Landur, où l'on attend avec un respect craintif la venue du Cheikh de la mosquée pour faire ses ablutions parmi les poissons.

Cet homme n'est pas le Cheikh mais mon mari, ne pas confondre.



samedi 7 juillet 2012

Tout l'or d'Ophir



Notre première étape est familiale. Deux ans après notre dernière visite en Indonésie, nous sommes allés directement à Sumatra Ouest, où vivent mes beaux parents, une des deux soeurs de mon mari et son frère, avec leurs petites familles. 


D'origine javanaise, mes beaux-parents sont allés s'installer à Sumatra il y a bientôt  30 ans, après une première carrière de mon beau-père dans l'armée, en suivant un programme gouvernemental, la "transmigrasi" qui visait à répartir la population indonésienne depuis l'île de Java, démographiquement congestionnée, à l'île de Sumatra, beaucoup moins peuplée, pour y cultiver des terres encore inexploitées. Il leur fut attribués deux hectares et  ils s'organisèrent en coopérative agricole avec les autres nouveaux arrivants autour d'une culture principale: le palmier à huile. 

Promenade dans la palmeraie

Une usine mise en place par le gouvernement achète la récolte de noix de palme à ces coopératives, en gardant un pourcentage pour remboursement des plantations. Autour des maisons, les jardins (5000m²), les "kebun",  sont voués à des cultures plus variées, selon le libre choix de leurs propriétaires. Les parents de Budi y ont planté des cacahuètes, du manioc, du maïs, puis du cacao, mais une maladie décime actuellement les cacaotiers (?) ils seront donc bientôt remplacés par du maïs.... transgénique. C'est ce que Budi, mon mari, a compris en parlant avec son papa, il lui a conseillé de se tourner vers des variétés plus anciennes.


On connait en France la mauvaise réputation de l'huile de palme, dont la culture intensive et galopante dévaste les forêts vierges indonésiennes, dont la qualité nutritive est très contestée, elle envahit tous les produits de consommation et beaucoup de consciences s'élèvent contre ce produit jusqu'à le diaboliser.

J'ai vu là-bas un visage aimable de la culture de la noix de palme, qui a fait de ces forêts une campagne cultivée traversée de rivières, où des maisons en bois pour certaines ou en dur pour d'autres, entourées de jardins luxuriants longent des chemins plus ou moins cahotiques, où toute une population de paysans et de marchands prospèrent grâce au fruit d'un travail patient. 




Il est de bon ton de s'offusquer de la déforestation et de la scandaleuse cupidité des sociétés productrices d'huile de palme, et je partage l'affliction des amoureux de la nature,  mais la réalité du terrain ouvre d'autres pistes de compréhension. La prise de conscience des effets dévastateurs de cette culture intensive est assez récente, et il faut rappeler que l'introduction du palmier à huile en Indonésie incombe aux colons hollandais au XIXème siècle. Une partie du monde occidental déplore les degâts de cette culture, mais il est aussi un consommateur vorace de son produit. 

 S'il appartient au gouvernement indonésien de contrôler l'aménagement de son territoire, il est de sa responsabilité de favoriser la prospérité de sa population. Et la noix de palme n'enrichit pas que les grandes sociétés. Là où la culture céréalière ( non moins dévastatrice pour les terres européennes) emploie un ou deux fermiers pour des centaines d'hectares, l'organisation du travail agricole en Indonésie procure de l'emploi à des centaines de gens.



La critique des choix politiques du gouvernement indonésien est même perçue par certains ici comme une tentative de freiner l’ascension d'un pays émergent de la part de pays plus anciennement développés... et qui ont  depuis longtemps déjà établi leur richesse au détriment de la vie sauvage.

Le quartier de Pasaman où nous étions s'apelle Ophir. Ida Pfeiffer, une intrépide exploratrice autrichienne passa par là vers 1850 et nota l'analogie avec les légendaires mines du Roi Salomon. Je doute que les richesses actuelles de ce quartier ne satisfassent les goûts de luxe du roi Salomon ou même de chefs d'états plus récents et "bling bling", mais elles sont perçues par ses habitants comme une bénédiction, via la culture du "kelapa sawit".