jeudi 14 novembre 2013

Flower power

Etape suivante: Pekalongan, une ville connue pour être le centre principal de production du batik à Java, ces tissus typiquement indonésiens aux motifs et aux couleurs riches et variés, fabriqués pour les plus authentiques avec une technique traditionnelle de teinture par privation à la cire.

Le batik est un marqueur fort de l'identité culturelle indonésienne et nous en avons fait un des fils conducteurs de nos pérégrinations.


Marchant le long d'un trottoir, attentive aux trous entre les pavés, mon regard s'est arrêté sur une fleur mauve dont le calice en étoile apparaît entre les délicates attaches des pétales, entourant des étamines jaunes qui ont l'air de danser. 

Recto

Verso

Un homme me voyant examiner la fleur m'invite à lever le nez pour comprendre d'où elle venait; un arbre immense étendait sa ramure chargée de grappes de ces fleurs magnifiques, une variété de Lagerstroemia, ou Lilas des Indes, qui prend modestement des allures d'arbuste en Europe mais qui s'élevait là à bien 10 mètres au dessus de nos têtes.


La beauté et la délicatesse de cette fleur me renvoyait aux motifs floraux recouvrant les batiks, dont certaines pièces de collection sont exposées à Pekalongan.





Revenue de mon extase naturaliste, je réalisais alors que ces fleurs sur le trottoir étaient un détail d'une belle composition, très représentative du charme suranné de Java, que voilà:



Brebes

Cette fois on était pourtant bien décidés à prendre le chemin le plus direct pour rentrer en longeant la côte nord de Java depuis Cirebon, jusqu'à Jepara.

 C'était sans compter sur un bouchon surprise à l'entrée de Brebes. Au bord de la route deux gars agitaient les bras indiquant à qui voudrait bien les regarder un itinéraire bis, contre un petit billet. Ok, on est clients, et contents d'avancer enfin cheveux aux vents sur une belle ligne bien droite au bitume tout frais, surplombant des champs d'échalotes qui sont d'après mon chauffeur de mari la spécialité de cette petite ville. 

Le long de cette grande avenue de campagne, à nouveau deux bonhommes agitent un drapeau pour nous inviter à tourner. Re-billet, mais cette fois l'affaire est moins bonne, nous voilà sur une route étroite et toute trouée qui s'enfonce dans les faubourgs de Brebes.
C'est là que nous décidons de faire une petite pause et j'en profite pour aller observer de plus près la spécialité du coin. Des milliers de petits paquets d’échalotes sèchent le long de la route jusqu'à un hangar devant lequel trois femmes s'affairent à les rassembler. 




Elles sont surprises que je veuille les prendre en photo, elles me disent qu'elles sont bien laides tandis que je trouve le tableau plutôt joli, surtout que l'une d'elle a parfaitement assorti sa tunique au boulot.




En face, trois hommes "attablés" au "café" du coin s'amusent de me voir prendre la scène en photo et demandent aussi à faire partie du reportage, les voilà, donc.



Le petitou avec les cuillères a bien failli partir se cacher, effrayé par cette "boulé" (blanchette) avec son gros œil en bandoulière.

Et plus loin, encore, des champs d'échalotes.



Là bas à droite dans le coin sombre, on ne distingue pas à ce format mais il y avait tout un groupe de gens regardant tous dans ma direction et se demandant aussi sans doute pourquoi cette blanchette là prenait leur pauvre quotidien en photo comme si c'était un beau coucher de soleil, en quoi cet alignement d'échalote  méritait-il un cliché? Eh bien moi je trouve ça beau comme une bonne page de Jean Giono.

Ensuite, notre itinéraire s'est perdu dans les ruelles tarabiscotées de Brebes, le GPS lui même était paumé, après un pont cassé s'affaissant dans un ruisseau asséché (et hop un petit billet pour les 8 bras s'agitant dans la poussière au bout desquels 4 bouches récitaient peut être même des "bismillah" en guise de mantra pour nous aider à passer ce cap difficile), après un demi tour en fond d'impasse, on a enfin rejoint le bouchon du centre ville...

Le mot "brebes", en javanais désigne un petit ruissellement d'eau, ce terme peut s'appliquer aux larmes ruisselant sur le visage, et mon poète de mari trouve que pour une ville qui produit des échalotes, Brebes est bien nommée (les cuisinières comprendront).


Et un dessin pour ceux qui ne cuisinent jamais.