samedi 7 décembre 2013

Les chevaux javanais d'Havetz et Anna

Pour mon non-anniversaire j'ai eu envie de me faire un joli cadeau et de renouer un moment avec un grand amour de jeunesse, le Cheval.



C'est un ancien cavalier de Saumur  qui me fit faire mes premiers tours de carrière, nous traitant de tout, et de moins que rien surtout, quand nous étions trop mous, sans entamer pourtant ma passion et toutes les semaines, j'enfilais mes bottes avec un nœud dans le ventre, car ce n'était pas rien de contraindre un si gros animal à marcher selon ma volonté. 
On m'a appris à maintenir les jambes serrées, les rênes tendues, à cravacher, "mains de fer dans un gant de velours" et parfois même" pieds de fer", quoique je n'ai jamais porté d'éperons mais les chevaux que j'ai montés portaient, pour la plupart, des fers aux pieds et toujours un mors métallique entre les dents.
En grandissant, lassée de tourner en rond dans la poussière, je me suis contentée de faire quelques ballades quand l'occasion se présentait, cette approche simple et naturelle me convient davantage, sans les sophistications de l'équitation. 
Ensuite, j'ai entendu parler de cavaliers dont le style rappelait plutôt celui des indiens, j'étais fascinée de les voir galoper sans selle, sans mors, sur un cheval consentant en pleine liberté et j'osais à peine rêver vivre même expérience tant cette pratique me semblait une sorte d'exception, bien loin de l'art équestre hérité par notre nation guerrière.

Mais à Java centre, chance! Il existe un petit centre équestre, Havana Horses, où l'on a une grande idée du rapport entre l'homme et sa "plus belle conquête". 


Là-bas le conquistador baisse les armes, et apprend à parler cheval. 



Le temps d'un après midi je suis entrée dans le secret... évidemment je ne parle pas encore cheval couramment mais j'ai appris les rudiments, en anglais.
Non pas que les chevaux parlent anglais, non, non, mais Anna étant hollandaise, mariée à Havetz qui est indonésien, nous avons utilisé la langue internationale pour cette leçon de parler cheval dans un enclos.


Havetz et Anna

Je n'ai pas non plus appris à hennir, mais à utiliser mon corps pour me faire comprendre par Super, un très aimable personnage qui mérite bien son nom. Nous n'avons pas devisé sur le sens de la vie, mais en utilisant la logique équine, le contenu de notre conversation était de faire tourner Super dans un sens puis dans l'autre, à des allures différentes, sans aucun lien matériel. 
Les chevaux vivent en troupeau et instaurent des liens hiérarchiques au sein du groupe, quand ils se déplacent, le mâle dominant ferme la marche et dicte l'allure, et la jument de tête indique la direction. Le jeu consiste donc, pour dicter la direction et l'allure au cheval, à représenter ces deux pôles avec les bras, en indiquant la direction d'une main, et en motivant l'allure avec l'autre, en se plaçant au centre de l'enclos, en arrière du cheval pour le laisser aller vers l'avant, sans jamais le toucher. Au départ, les explications d'Anna m'ont étonnées, comment le cheval fait-il pour comprendre la transposition que nous opérons de la logique du troupeau aux mouvements de notre corps? Mystère... Toujours est-il que l'exercice fut concluant, même si ma pratique était maladroite et demandait souvent à Anna de me guider pour réaliser les gestes appropriés au bon endroit et au bon moment. 






Le résultat de cette conversation avec Super, qui consistait finalement à faire connaissance et à lui expliquer gentiment que c'était à moi qu'il fallait soumettre sa volonté, fut qu'il me suivait ensuite bien docilement dans chacun de mes déplacements dans l'enclos, c'était le gage d'un dialogue réussi.




Malgré ma petite expérience de cavalière, un peu poussiéreuse certes, j'ai du réapprendre des gestes simples, comme celui de flatter l'encolure, on m'avait toujours dit que de petites tapes énergiques étaient perçues comme une caresse par le cheval mais en fait non, d'après Anna il suffit d'une caresse, les chevaux n'aiment pas plus être brutalisés que nous. 

Ensuite nous sommes allés faire une petite balade dans la campagne, par les chemins parmi les bois et entre les maisons, les chevaux étaient sellés, harnachés, mais aucun mors ne leur serrait la bouche. Un petit troupeau de moutons tout à coup s'est joint à notre trio, suivant le cheval blanc d'Havetz en le prenant sans doute pour un grand chef très puissant, un genre de super mouton...?




Les chevaux d'Havetz et d'Anna vont sans fer aux sabots, ils semblent parfaitement détendus et confiants, heureux, et moi je suis heureuse d'avoir expérimenté cette relation de l'homme à l'animal, où l'homme utilise son intelligence (et celle du cheval) pour apprivoiser l'animal en douceur et non pas la force et les fers pour le soumettre.