jeudi 7 mai 2015

Motif Parang

Les motifs traditionnels du batik javanais, au delà de leur fonction ornementale, sont porteurs de messages, ils donnent des informations sur l'âge ou le statut  social de celui qui le porte, certains motifs sont destinés à des circonstances particulières, d'autres ne peuvent êtres portés que par la famille royale.


C'est le cas du motif Parang, directement attaché au Sultan.


Traditionnellement, il ne peut être porté que par le Sultan quand le motif est grand (Parang Barong), pendant les rites religieux ou la méditation, ou par des personnes attachées à la famille royale, pour les motifs plus petits (Parang Klithik). Aujourd'hui le batik s'est démocratisé et tout le monde porte le motif qu'il veut, le plus souvent sans en connaître la portée symbolique. Cependant il reste inconvenant de porter un motif Parang dans l'enceinte du Kraton, le Palais du Sultan, et inconcevable en sa présence.


Si les interprétations de la symbolique du motif Parang sont variées, on s'accorde à en attribuer l'origine au Sultan Agung, du royaume de Mataram (1613-46).
D'après Iwet Ramhadan, le Sultan Agung méditait face à la mer du Sud de Java, et la force des vagues tapant contre les rochers du rivages lui inspira ce motif.

Tracé en diagonale sur le tissu, le motif Parang comprend deux formes: 
- La forme des vagues, les courbes, "Gareng".
-La forme des creux formés dans les rochés par l'érosion maritime,  les losanges, Mlinjon


Gareng est un personnage du wayang javanais (le théâtre d'ombre qui raconte les épopées du Ramayana ou du Mahabarata), représentant la sagesse et l'omniscience, il est capable de résoudre des problèmes en proposant des solutions acceptables pour tous.



Mlinjon représente les trous crées par les vagues dans les rochers, où vont se développer de nouvelles sources de vie. Aussi le sultan doit-il être intègre comme le roc et avoir la capacité de créer des sources de vie pour les gens qui l'entourent.
Le motif symbolise également la sagesse et le charisme, la royauté et le pouvoir absolu.



Une autre interprétation attribue au Parang une leçon d'éthique javanaise plus générale: la vie doit être basée sur l'effort en vue d'un accomplissement matériel et spirituel, et plus particulièrement pour le Roi qui se doit d'être réfléchi, conscient, de garder le contrôle de lui-même et d'être prudent.

La forme "Gareng" et la signification du mot "Parang" (Keris/dague) amènent aussi à associer ce motif à un symbole exclusivement masculin, louant les qualités guerrières de celui qui le porte. Cette interprétation est plus récente.

Les javanais appellent aussi ce motif "Lidah api", la langue de feu.



Sans doute y-a-t-il encore des messages contenus dans ce motif dont j'ignore l'existence, tout contributeur bien informé sera le bienvenu en commentaire!

mardi 21 avril 2015

Selamat Hari Kartini

Le 21 avril en Indonésie est le jour de Kartini.




Véritable héroïne nationale, Raden Ajeng Kartini est née un 21 avril 1879 à Majong dans le kabupaten (commune ou province) de Jepara, à Java Centre. Comme l'indiquent les deux titres qui précèdent son prénom, Kartini est d'ascendance noble, son père est alors le régent de Jepara. 

Le père de Kartini au centre et Kartini assise à droite. Tous portent un batik à petit motif Parang, réservé à la noblesse.

La société javanaise de l'époque cantonnait la femme à son rôle de mère et d'épouse mais Kartini eut le privilège de fréquenter l'école jusqu'à l'âge de 12 ans, une école hollandaise qui l'amena à maîtriser la langue du colonisateur. 
A l'adolescence, les jeunes filles de la noblesse devaient se retirer du monde, aussi vécut-elle au sein de la demeure familiale où elle apprit à broder, pratiqua l'art du batik et se nourrit de nombreuses lectures.


Kartini fut amenée à entretenir une correspondance avec Rosa Abendanon et d'autres amis hollandais; des lettres dans lesquelles elle reproche à la société hollandaise l'oppression du peuple javanais et exprime également son admiration pour les mouvements féministes hollandais. Elle porte également un regard critique sur la place de la femme dans la société traditionnelle javanaise, sur l'étiquette rigide de sa classe,  et dit son amour profond et ses espoirs pour son pays. 



Cora Vreedee De Stuers dans "Kartini, "petit cheval sauvage" devenu héroïne de l'indépendance indonésienne" souligne le fil conducteur de la pensée de Kartini, devenue emblématique de la conscience nationale indonésienne: 
"Mais cette jeune fille si bien "encagée" (dikurung) par les strictes convenances de son rang, a néanmoins été si constamment et douloureusement consciente - ses lettres en témoignent à plusieurs reprises - de l'état de dépendance coloniale absolue dans lequel vivait le peuple javanais, que dès le début elle situe l'émancipation de la femme dans la perspective de celle du peuple entier, par une lutte commune pour le droit élémentaire de pouvoir être soi-même".



Kartini du renoncer à la possibilité de poursuivre ses études en Hollande pour se marier avec le régent de Rembang, répondant aux obligations de son milieu, et projeta de créer une école pour filles.



Mais elle ne vit pas ce projet aboutir complètement puisqu'elle mourut à Rembang peu après avoir mis au monde son premier enfant, en 1904. 

https://www.facebook.com/qimojapara/timeline


En 1911 cette correspondance est publiée en hollandais dans un recueil intitulé "De l'obscurité vers la lumière" puis traduite en indonésien en 1922.  Les fonds recueillis grâce à cette publication aidèrent à créer des écoles pour filles.

Une sélection de ces lettres ont été traduites en français par Louis-Charles Damais et réunies en un recueil:



Chaque 21 avril est célébré dans tout le pays, et particulièrement à Jepara, berceau familial de Kartini, où cette journée prend des allures de Carnaval.

@Tracy Wright Webster

@Tracy Wright Webster

@Tracy Wright Webster

@Tracy Wright Webster
@Tracy Wright Webster

@Tracy Wright Webster
A Jepara comme ailleurs en Indonésie, les jeunes filles s'habillent ce jour là de façon traditionnelle en souvenir de Kartini.

@Widjaja Lely Mettawati
Autour de l'Alun Alun (grande place centrale) de Jepara, l'ancienne maison de Kartini est actuellement occupée par la mairie et le musée de Kartini propose des représentations variées de l'héroïne et de sa famille, des objets personnels et des objets culturels emblématiques de Jepara.


 Un peu plus loin dans le quartier de Pengkol, il existe un petit musée privé dédié à Kartini et à une production culturelle alternative, Rumah Kartini, animée par le collectif Qimo.



Si vous passez par Jepara, une visite chez Qimo s'impose, vous y trouverez aussi de beaux t-shirts, production locale et originale, pour arborer vous aussi sur le plastron le visage de l'héroïne de la nation.

jeudi 26 février 2015

Batik Tulis

C'est le procédé le plus traditionnel, le plus long et le plus artistique de fabrication du batik indonésien.

 "Tulis" (prononcer comme "tout lisse") signifie "écrire", cela se réfère au mode d'application de la cire sur le batik, déposée trait par trait sur le tissu,  comme on tracerait des lignes avec un stylo sur du papier.

Pour filer la métaphore, on comparera la feuille blanche au tissu,  l'encre à la cire, et le stylo au canting.




Canting se prononce "tchanting", cet outil est constitué d'un manche de bois au bout duquel est fixé un réservoir de cuivre muni d'un petit tuyau d'où la cire chaude va sortir.

Le motif du batik peut être dessiné préalablement au crayon sur le tissu blanc, avant que les lignes soient recouvertes de cire. 




Ce travail qui demande autant de patience que de délicatesse est généralement réservé au femmes.


Elles s’assoient sur des tabourets très bas entre le tissu posé sur un présentoir et le récipient contenant la cire posé sur un réchaud où elles trempent régulièrement le "tchanting".



D'un côté il faut surveiller la cire pour qu'elle reste à la température qui assure la texture idéale, et de l'autre, maîtriser le flux de la cire sur sur le tissu, variant au fur et à mesure que la cire se refroidit, pour obtenir un trait régulier et précis. Ce savoir faire demande de l'expérience et une grande concentration, j'ai moi-même essayé et réussi à faire de grosses tâches et à me brûler les doigts avec la cire chaude.

La cire doit pénétrer suffisamment pour imprégner les fibres des deux cotés du tissu.

Dans les ateliers de batik, les femmes se regroupent autour du réchaud.

Une fois cette première couche de cire appliquée et séchée, le tissu est trempé dans un bain de teinture, puis mis à sécher.




Si le batik propose plus d'une couleur, ce procédé sera renouvelé autant de fois qu'il y a de couleurs.



Enfin, pour ôter toute la cire, le batik est plongé dans un bain d'eau chaude et mis à sécher.



Un batik tulis réalisé dans les règles de l'art doit présenter sur son endroit comme son envers un motif d'une netteté comparable.



Raden Ajeng Kartini, héroïne de la nation indonésienne, pratiquait l'art du batik (ci-dessous, à droite):



Comme les damoiselles de la noblesse autrefois en France filaient et brodaient, celles de la noblesse indonésienne créaient des batiks.

Aujourd'hui le procédé est le même, seuls les réchauds ne sont plus au charbon, et il faut, pour réaliser un batik tulis orné de motifs travaillés et de plusieurs couleurs, près d'un mois de travail.

Quelques batik tulis sont disponibles sur Toko Ada

dimanche 22 février 2015

Batik Cap

"Cap" (prononcer "tchap") signifie "tampon": outil d'application de la cire dans ce procédé de fabrication en série du batik traditionnel.

Il existe donc en amont un autre métier d'artisanat, qui consiste à fabriquer cet outil à partir d'un dessin du motif souhaité, en soudant à un socle muni d'une poignée des lamelles de cuivre dont les bords dessinent les lignes du motif.


 

 C'est un travail de précision qui demande beaucoup de temps, selon la complexité du dessin, et dont la valeur conditionne le prix du batik. Certains ateliers familiaux de batik possèdent d'importantes collections de tampons, transmises de génération en génération et régulièrement renouvelées.


Ces tampons sont aussi prisés par d'autres collectionneurs pour leur valeur esthétique. Ils ont été notamment  utilisés en élément architectural de décoration dans le restaurant d'un bel hôtel à Bali.

source: worldarchitecturefestival.com
Le travail du batik "cap" est en général assuré par des hommes, sans doute en raison du poids du tampon et de la fatigue causée cette tâche répétitive, qui consiste à tremper le tampon dans une fine couche de cire chaude, et à l'appliquer sur le tissu pour former le dessin à la cire.


Le tissu est ensuite mis à sécher pour que la cire durcisse.


Puis il immergé dans la teinture, mis à sécher, et trempé à nouveau dans un bain d'eau chaude pour faire fondre la cire.

Les couleurs du batik sont donc bien fixées, puisque que le procédé de fabrication les met à l'épreuve de la chaleur.



Il arrive que la couleur soit appliquée non pas par bain mais avec un pinceau, cela permet d'utiliser plusieurs couleurs sur un même batik sans avoir à répéter le processus.

La cire fait office de pochoir, la teinture va imprégner les zones libres du tissu. Une fois la cire retirée on verra apparaître le motif en blanc sur un fond coloré.



On appelle "Garutan", style de la région de Garut à Java Ouest,  les batiks teints d'une seule couleur avec motifs répétitifs blancs, ou vice versa, des batiks blancs avec des motifs d'une seule couleur.


En retournant un batik cap, on constate que le motif sur l'envers est bien visible, il ne se distingue parfois de l'endroit que par une légère différence de netteté du motif.

Pour choisir un batik parmi notre sélection cliquez ici



vendredi 20 février 2015

Batik Print

Le batik "print" (prononcer à l'anglaise en roulant le r) est le moins authentique de tous, mais il permet à tous d'accéder à la richesse des motifs et des couleurs du batik.

Les techniques modernes d'impression en série ont démocratisé le batik, même si de ce fait, le terme perd  de son sens puisqu'à l'origine il désigne justement un procédé traditionnel manuel. Avec le "print" un glissement sémantique s'est effectué, le terme batik ne désignant plus dans ce cas que le style des motifs inspirés par ceux du batik traditionnel.



S'il avait été réalisé dans les règles de l'art, selon le procédé traditionnel "tulis" un batik comme celui ci-dessus aurait nécessité plusieurs semaines de travail, et son prix serait au moins dix fois plus élevé. Le plus souvent, les indonésiens n'ont pas les moyens d'acheter des plus beaux batiks mais ils sont aussi très attachés à cette tradition nationale, le batik étant un objet du quotidien.

Si le "print" trahit un peu ses origines, il vivifie aussi ce patrimoine national que tous peuvent s'approprier. Certains batiks "print" honorent même leur noble prédécesseur "tulis" en reproduisant les effets de craquelures de la cire, les irrégularités des contours et les petits accidents de répartition des couleurs qui font le charme du batik traditionnel.




Alors, comment différencier un batik fabriqué en machine d'un batik fait main?

Au toucher d'abord; les batik "print" reçoivent un apprêt les rendant plus rigides et brillants, qui s'estompera au fil des lavages.

En retournant le tissus ensuite;c'est geste que font généralement les indonésiens pour juger de la qualité d'un batik; un beau batik "tulis" ou "cap" propose un motif visible sur l'endroit et sur l'envers. Avec le batik print, on identifie l'endroit de l'envers au premier coup d'oeil.



Ces procédés de fabrication du batik print sont:

-L'impression en machine, sur imprimantes rotatives ou numériques

- La sérigraphie: Pour le batik "sablon", les écrans et les couleurs peuvent être appliqués sur le tissu de façon manuelle mais le procédé peut être aussi entièrement mécanisé. 

Le point commun de tous les "print" est une production en grandes séries.

Atelier de fabrication de paréos sérigraphiés
Retrouvez une sélection de batik "print" sur Toko Ada