vendredi 7 mars 2014

Baturraden


Le mois de janvier a été marqué par les inondations qui ont touché  le nord de Java. Nous étions à Jakarta alors que certains quartiers étaient noyés sous plus de 2m d'eau, nous avions par chance les pieds au sec et avons pu regagner Cirebon ensuite, sur la côte nord. Seulement, la Pantura, la route qui longe la côte nord, étant inondée vers Pekalongan et Semarang, la circulation est devenue vraiment problématique. Compte tenu de nos piètres performances de temps de trajet avec conditions météo optimales, et celles de notre vieux combi japonais,  on a attendu la décrue, mais au bout d'une semaine, quand les eaux se sont retirées sur une chaussée bien abîmée où les bouchons s'amoncelaient, nous avons de nouveau fait le choix de l'itinéraire bis pour rentrer chez nous à Jepara, un grand détour par le sud sinuant entre les monts et les volcans.




La première étape fut Batur Raden, située sur les pentes du  plus haut volcan de Java (3428m)le Mont Slamet: une immense bouffée de fraîcheur chlorophyllée après avoir macéré dans la pollution et le bruit des grandes villes. Sur ces hauteurs l'air est plus frais, la nature luxuriante.


Batur Raden est mentionné comme une simple étape dans les voyages organisés qui font traverser Java aux visiteurs français, mais semble une destination prisée par les Indonésiens car beaucoup d'hôtels bordent la route montant vers le volcan. Nous avons choisi l'un d'eux, bien nommé, pour y passer deux nuits, le Nirwana


Construit il y a sans doute plus de trente ans, dans un style traditionnel, il propose des chambres très confortables au charme un peu défraîchi mais l'ensemble est entretenu avec beaucoup soin.


Dans cet hôtel comme dans le grand parc voisin, c'est cette impression de nature choyée qui m'a charmée et rassurée, dans un pays où bien souvent on néglige la gestion des déchets et la mise en valeur de l'environnement végétal, qui est pourtant un trésors incomparable.


"Batur Raden" signifie "le serviteur du prince", je ne sais pas bien pourquoi mais on peu imaginer que celui-ci était jardinier tant la nature là-bas est honorée.


A quelques pas de l’hôtel, une partie d'un grand vallon a été aménagée en un parc de loisir tracé de chemins sinuant entre les arbres, les fleurs et les vendeurs de saté (brochettes de poulet sauce cacahuète) et par dessus la rivière, agrémenté d'un lac avec des pédalos, de sources chaudes, d'une tyrolienne, de piscines et de toboggans.




Les collections de fougères arborescentes m'ont émerveillée, le côté kitsh des aménagements plutôt amusée et l'entretien irréprochable de cet immense jardin m'a comblé, car sorti des luxueux sentiers balisés par le tourisme haut de gamme, les rivières, les parcs, les zoos et lieux publics que j'ai pu voir en Indonésie sont invariablement jonchés de plastiques et de papiers gras. 


Ce parc apparaît comme une enclave de nature domptée dans la coulée de végétation foisonnante descendant les pentes du volcan.









Bordant un petit cimetière, ce vénérable banian s'impose comme un incontournable monument végétal.


Finalement un énorme orage et une pluie diluvienne nous ont retenus sous un abri où on a mangé du saté, plutôt que de suivre le sentier qui s'enfonçait dans la forêt jusqu'aux sept sources qui jaillissent des flancs du volcan. 

Mais vous pourrez voir les lieux sur ce film de  Mr Tukul et sa copine voyante, qui y ont mené une enquête télévisée en septembre dernier pour savoir quels être invisibles peuplaient ces lieux, j'ai pas tout compris mais je crois qu'elle  y voit un dragon avec un couteau dans la bouche. On l'a échappé belle.







vendredi 28 février 2014

Rambutan


 Souvent ici, il arrive que la vie exauce de menus vœux du quotidien, à peine formulés au fin fond de mon fort intérieur.


 Hier, en traversant le quartier à pied pour aller faire une course, je levais les yeux vers de hauts arbres chargés de magnifiques fruits rouges  qu'on appelle "rambutan"= "poilus". La saison bat son plein, et cela faisait quelque jours que j'avais interrompu la cure de rambutan à laquelle je me soumets avec délice ces temps-ci. 
Sachant qu'il n'y avait aucune chance de rencontrer un vendeur de fruit sur la route, j'ai remisé mon envie par devers moi, et continué mon chemin nez au vent.
Au retour l'heureux hasard de mon itinéraire nous a fait rencontrer un homme qui récoltait ces fruits à l'aide d'une grande perche. Il m'avait déjà offert d'autres fruits dont j'ai oublié le nom il y a quelques mois déjà, et il eut l'excellente idée de renouveler ce beau geste. Après une petite causette avec sa famille, je suis repartie avec un sac plein de ces fruits délicieusement juteux, le cœur plein d'une gratitude émue envers ces gentils voisins et l'Indonésie toute entière.



Ouvrir l'épaisse peau caoutchouteuse hérissée de ces petits pics mous caractéristiques, découvrir une chair blanche un peu translucide attachée autour du noyau, engloutir tout le contenu de la cosse qui a juste la taille d'une bouchée, grimacer pour détacher la chair sucrée et l'avaler, recracher le noyau, balancer les cosses étoilées au loin... un plaisir sans faim.

   
 
                                     

En plus d'être savoureux le ramboutan est beau, il illumine les jours ternes et pluvieux, les abondantes grappes rouges suspendues dans les cîmes rappellent la manne qu'est la saison humide et les nuances de son mûrissement éclatent quand le soleil revient.








jeudi 27 février 2014

"Hey! Mystère!"

Enfin, c'est plutôt "Hey Mister!" qu'on entend à chaque coin de rue à Java quand on est blanchette  (ou blanchot, rien de change, c'est "mister" pour tout le monde). Ou "bulé" = albinos au sens propre, et pâle occidental, par extension, ou encore "Londo" = hollandais.

Les voyageurs de passage apprécieront (ou pas) d'être interpellés joyeusement, et traités comme des êtres à part.  Au temple de Borobodur, par exemple les visages pâles sont l'attraction des visiteurs locaux, à chaque étage de la pyramide on leur demande de poser pour une photo au milieu d'une bande de copains, ou au bras d'un inconnu. Pour le blanchot de passage, cela renforce peut être un peu l'ego, on se sent comme une star de la télé qui sort en ville, ou comme un aventurier du XVIIIème touchant de lointaines contrées où nul occidental jusque lors n'avait encore mit les pieds (Pourtant depuis Marco Polo, pas mal d'entre nous ont fait le voyage, en 2013, 8,8 millions d'étrangers ont visité l'Indonésie) . Pour l'indonésien, je ne sais pas bien, (y-a-t-il un tumbler avec toutes les photos de bulé? Est-ce une curiosité exotique qu'il faut garder en souvenir ?) et même si j'ai quelques pistes pour interpréter ce curieux phénomène, la fascination du blanc reste pour moi  une sorte de mystère.

Certes, le contraste attirant l’œil, vu de l'extérieur un blanc en Indonésie ça donne quelque chose comme ça:


Mais cela n'explique pas tout.

Après plus d'un an de résidence à Java je ne m'habitue toujours pas à être considérée avant tout et surtout, toujours et partout comme une blanchette, rien qu'une blanchette. Chaque fois que je mets le nez dehors je suis dévisagée,  montrée du doigt ou saluée comme le pape, je suscite l'ébahissement comme une panthère rose sortie de l'écran, les enfants ricanent, les jeunes filles pouffent, et hier soir encore tandis que je passais en vélo, trois jeunes gens qui grattaient joliment leur guitare se sont arrêtés de chanter, comme les cigales qu'on effraie sur son passage en été.
Le plus souvent, cette discrimination est amenée de façon très aimable. On me sourit, on me questionne sur mes origines, sur ma vie, et cela peut être perçu comme une courtoisie faite à l'étranger, respectant l'antique devoir d'hospitalité. 
Commercialement, j'ai parfois envie de faire mes courses avec un voile intégral pour obtenir le même prix que tout le monde. 
Quand les enfants m'interpellent, si je me retourne, bien souvent ils s'en vont en courant, certains me demandent de l'argent, d'autres apprécient que je les prenne en photo et mon appareil m'a souvent aidé à créer un lien.
Même si cela n'a rien à voir avec les discriminations injurieuses du racisme à la française, ces égards particuliers et incessants me turlupinent.



Souvent les gens demandent si Budi est mon employé (ce qui ne manque pas l'énerver un petit peu), puis ils sont hyper surpris d'apprendre que nous sommes mariés, et nous demandent comment cela est possible... Mais enfin, je ne suis pas une extra terrestre ni lui un orang-outan!

Un jour que nous empruntions comme les gens du coin un passage "pirate" emprunté par les gens de ce quartier, au travers d'une clôture pour traverser une voie ferrée, un passant est resté immobile, les yeux ronds, bouche bée derrière nous pendant un bon moment. Le Sultan de Yogyakarta dansant la samba en public ne lui aurait pas causé plus d'étonnement je crois.
A Jepara, je me déplace souvent en vélo, les premières fois j'ai entendu sur mon passage "Londo pakai sepeda!" = "un blanc sur un vélo! " comme si c'était un truc de dingue, du jamais vu. Dans un petit resto un jour, en commandant un plat local, j'ai suscité l'hilarité générale. C'était du jengkol, une sorte de haricot qui pousse dans un arbre, au goût prononcé et à la digestion un peu difficile, une nourriture pas très classe en somme mais qui ne rebute pas une mangeuse de fromage.

Bref, dans la tête des gens ici le blanchot reste un être vivant dans un monde sophistiqué  parallèle au leur et ça leur fait tout chose quand nos univers se croisent. 



Les canons de beauté indonésiens dénigrent les peaux foncées, ça fait paysan, arriéré. Les publicités montrent des acteurs au teint pâlot tandis que les vrais gens ont un joli teint cuivré. On vend du décolorant pour la peau comme en France du fond de teint brun. Mon mari a la peau brune (et c'est plus bel homme de la terre selon les plus fins connaisseurs), il a reçu parfois les quolibets des petites canailles. J'ai récemment rencontré une indonésienne mariée avec un nigérian qui s'attristait de voir ses enfants rejetés par les autres à cause de leurs cheveux en pétard et de leur peau métissée, dans le "mauvais" sens. Notre fils en revanche est loué pour sa beauté et on lui pince les joues sur les marchés en s'extasiant. 

Tous ces comportement impliquent l'idée d'une race blanche supérieure et je suis bien mal à l'aise d'être malgré moi l'actrice d'un scénario fabriqué dans la tête des gens par une histoire mondiale dont je suis le produit, certes mais pas individuellement responsable, et que je ne cautionne pas non plus particulièrement.

La longue colonisation de l'Indonésie et l'influence des sociétés occidentales dans le monde expliquent en partie ce complexe d'infériorité mais ne le rendent pas plus acceptable. 
D'autant qu'il est compensé aussi par certaines réactions de rejet, rarement vécues et plus sourdes, mais certains regards ne trompent pas. 



Les informations relatent les manifestations de groupes extrémistes qui clament haut et fort leur opposition aux valeurs véhiculées par la culture occidentale, mais au quotidien je n'ai jamais eu à souffrir de comportements agressifs du à ma "boulétude". 
Simplement en dehors des relations familiales et amicales, on fait forcément toujours cas de mes origines, et à la longue c'est frustrant d'être toujours considérée comme une blanchette au lieu d'une personne comme une autre.

Les trois images plus haut sont des détails de photos prises un jour que j'allais faire une course à Jepara avec mon fils sur le porte bagage. Face à nous une sorte de parade, un défilé de gens plus ou moins déguisés s'avançait en musique. Nous nous sommes arrêtés un instant pour apprécier le spectacle et essayer de comprendre en quel honneur tous ces gens paradaient, en me voyant ils se sont mis à crier joyeusement "Londo! Londo!" et redoublèrent d'enthousiasme en voyant mon appareil photo. En regardant de plus près ces photos, j'ai pu constater que ma "blanchitude" avait inversé la dynamique normale d'une parade, c'étaient eux qui observaient le public, enfin... une spectatrice seulement. L'arroseur arrosé.








samedi 7 décembre 2013

Les chevaux javanais d'Havetz et Anna

Pour mon non-anniversaire j'ai eu envie de me faire un joli cadeau et de renouer un moment avec un grand amour de jeunesse, le Cheval.



C'est un ancien cavalier de Saumur  qui me fit faire mes premiers tours de carrière, nous traitant de tout, et de moins que rien surtout, quand nous étions trop mous, sans entamer pourtant ma passion et toutes les semaines, j'enfilais mes bottes avec un nœud dans le ventre, car ce n'était pas rien de contraindre un si gros animal à marcher selon ma volonté. 
On m'a appris à maintenir les jambes serrées, les rênes tendues, à cravacher, "mains de fer dans un gant de velours" et parfois même" pieds de fer", quoique je n'ai jamais porté d'éperons mais les chevaux que j'ai montés portaient, pour la plupart, des fers aux pieds et toujours un mors métallique entre les dents.
En grandissant, lassée de tourner en rond dans la poussière, je me suis contentée de faire quelques ballades quand l'occasion se présentait, cette approche simple et naturelle me convient davantage, sans les sophistications de l'équitation. 
Ensuite, j'ai entendu parler de cavaliers dont le style rappelait plutôt celui des indiens, j'étais fascinée de les voir galoper sans selle, sans mors, sur un cheval consentant en pleine liberté et j'osais à peine rêver vivre même expérience tant cette pratique me semblait une sorte d'exception, bien loin de l'art équestre hérité par notre nation guerrière.

Mais à Java centre, chance! Il existe un petit centre équestre, Havana Horses, où l'on a une grande idée du rapport entre l'homme et sa "plus belle conquête". 


Là-bas le conquistador baisse les armes, et apprend à parler cheval. 



Le temps d'un après midi je suis entrée dans le secret... évidemment je ne parle pas encore cheval couramment mais j'ai appris les rudiments, en anglais.
Non pas que les chevaux parlent anglais, non, non, mais Anna étant hollandaise, mariée à Havetz qui est indonésien, nous avons utilisé la langue internationale pour cette leçon de parler cheval dans un enclos.


Havetz et Anna

Je n'ai pas non plus appris à hennir, mais à utiliser mon corps pour me faire comprendre par Super, un très aimable personnage qui mérite bien son nom. Nous n'avons pas devisé sur le sens de la vie, mais en utilisant la logique équine, le contenu de notre conversation était de faire tourner Super dans un sens puis dans l'autre, à des allures différentes, sans aucun lien matériel. 
Les chevaux vivent en troupeau et instaurent des liens hiérarchiques au sein du groupe, quand ils se déplacent, le mâle dominant ferme la marche et dicte l'allure, et la jument de tête indique la direction. Le jeu consiste donc, pour dicter la direction et l'allure au cheval, à représenter ces deux pôles avec les bras, en indiquant la direction d'une main, et en motivant l'allure avec l'autre, en se plaçant au centre de l'enclos, en arrière du cheval pour le laisser aller vers l'avant, sans jamais le toucher. Au départ, les explications d'Anna m'ont étonnées, comment le cheval fait-il pour comprendre la transposition que nous opérons de la logique du troupeau aux mouvements de notre corps? Mystère... Toujours est-il que l'exercice fut concluant, même si ma pratique était maladroite et demandait souvent à Anna de me guider pour réaliser les gestes appropriés au bon endroit et au bon moment. 






Le résultat de cette conversation avec Super, qui consistait finalement à faire connaissance et à lui expliquer gentiment que c'était à moi qu'il fallait soumettre sa volonté, fut qu'il me suivait ensuite bien docilement dans chacun de mes déplacements dans l'enclos, c'était le gage d'un dialogue réussi.




Malgré ma petite expérience de cavalière, un peu poussiéreuse certes, j'ai du réapprendre des gestes simples, comme celui de flatter l'encolure, on m'avait toujours dit que de petites tapes énergiques étaient perçues comme une caresse par le cheval mais en fait non, d'après Anna il suffit d'une caresse, les chevaux n'aiment pas plus être brutalisés que nous. 

Ensuite nous sommes allés faire une petite balade dans la campagne, par les chemins parmi les bois et entre les maisons, les chevaux étaient sellés, harnachés, mais aucun mors ne leur serrait la bouche. Un petit troupeau de moutons tout à coup s'est joint à notre trio, suivant le cheval blanc d'Havetz en le prenant sans doute pour un grand chef très puissant, un genre de super mouton...?




Les chevaux d'Havetz et d'Anna vont sans fer aux sabots, ils semblent parfaitement détendus et confiants, heureux, et moi je suis heureuse d'avoir expérimenté cette relation de l'homme à l'animal, où l'homme utilise son intelligence (et celle du cheval) pour apprivoiser l'animal en douceur et non pas la force et les fers pour le soumettre.









jeudi 14 novembre 2013

Flower power

Etape suivante: Pekalongan, une ville connue pour être le centre principal de production du batik à Java, ces tissus typiquement indonésiens aux motifs et aux couleurs riches et variés, fabriqués pour les plus authentiques avec une technique traditionnelle de teinture par privation à la cire.

Le batik est un marqueur fort de l'identité culturelle indonésienne et nous en avons fait un des fils conducteurs de nos pérégrinations.


Marchant le long d'un trottoir, attentive aux trous entre les pavés, mon regard s'est arrêté sur une fleur mauve dont le calice en étoile apparaît entre les délicates attaches des pétales, entourant des étamines jaunes qui ont l'air de danser. 

Recto

Verso

Un homme me voyant examiner la fleur m'invite à lever le nez pour comprendre d'où elle venait; un arbre immense étendait sa ramure chargée de grappes de ces fleurs magnifiques, une variété de Lagerstroemia, ou Lilas des Indes, qui prend modestement des allures d'arbuste en Europe mais qui s'élevait là à bien 10 mètres au dessus de nos têtes.


La beauté et la délicatesse de cette fleur me renvoyait aux motifs floraux recouvrant les batiks, dont certaines pièces de collection sont exposées à Pekalongan.





Revenue de mon extase naturaliste, je réalisais alors que ces fleurs sur le trottoir étaient un détail d'une belle composition, très représentative du charme suranné de Java, que voilà:



Brebes

Cette fois on était pourtant bien décidés à prendre le chemin le plus direct pour rentrer en longeant la côte nord de Java depuis Cirebon, jusqu'à Jepara.

 C'était sans compter sur un bouchon surprise à l'entrée de Brebes. Au bord de la route deux gars agitaient les bras indiquant à qui voudrait bien les regarder un itinéraire bis, contre un petit billet. Ok, on est clients, et contents d'avancer enfin cheveux aux vents sur une belle ligne bien droite au bitume tout frais, surplombant des champs d'échalotes qui sont d'après mon chauffeur de mari la spécialité de cette petite ville. 

Le long de cette grande avenue de campagne, à nouveau deux bonhommes agitent un drapeau pour nous inviter à tourner. Re-billet, mais cette fois l'affaire est moins bonne, nous voilà sur une route étroite et toute trouée qui s'enfonce dans les faubourgs de Brebes.
C'est là que nous décidons de faire une petite pause et j'en profite pour aller observer de plus près la spécialité du coin. Des milliers de petits paquets d’échalotes sèchent le long de la route jusqu'à un hangar devant lequel trois femmes s'affairent à les rassembler. 




Elles sont surprises que je veuille les prendre en photo, elles me disent qu'elles sont bien laides tandis que je trouve le tableau plutôt joli, surtout que l'une d'elle a parfaitement assorti sa tunique au boulot.




En face, trois hommes "attablés" au "café" du coin s'amusent de me voir prendre la scène en photo et demandent aussi à faire partie du reportage, les voilà, donc.



Le petitou avec les cuillères a bien failli partir se cacher, effrayé par cette "boulé" (blanchette) avec son gros œil en bandoulière.

Et plus loin, encore, des champs d'échalotes.



Là bas à droite dans le coin sombre, on ne distingue pas à ce format mais il y avait tout un groupe de gens regardant tous dans ma direction et se demandant aussi sans doute pourquoi cette blanchette là prenait leur pauvre quotidien en photo comme si c'était un beau coucher de soleil, en quoi cet alignement d'échalote  méritait-il un cliché? Eh bien moi je trouve ça beau comme une bonne page de Jean Giono.

Ensuite, notre itinéraire s'est perdu dans les ruelles tarabiscotées de Brebes, le GPS lui même était paumé, après un pont cassé s'affaissant dans un ruisseau asséché (et hop un petit billet pour les 8 bras s'agitant dans la poussière au bout desquels 4 bouches récitaient peut être même des "bismillah" en guise de mantra pour nous aider à passer ce cap difficile), après un demi tour en fond d'impasse, on a enfin rejoint le bouchon du centre ville...

Le mot "brebes", en javanais désigne un petit ruissellement d'eau, ce terme peut s'appliquer aux larmes ruisselant sur le visage, et mon poète de mari trouve que pour une ville qui produit des échalotes, Brebes est bien nommée (les cuisinières comprendront).


Et un dessin pour ceux qui ne cuisinent jamais.