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jeudi 19 juillet 2012

Sortilège soumatranais


Au détour d'une route sinueuse à Pasaman, il est un lieu de tourisme local et de pélerinage bien mystérieux:


Lubuk Landur est un bras de rivière où l'eau est plus profonde qu'ailleurs, exceptionnellement poissonneux. Quand on aperçoit  parfois quelques silhouettes furtives dans d'autres rivières, on voit là des dizaines de gros poissons s'entremêlant dans les bassins formés entre les roches rondes et noires. On raconte qu'il y a plusieurs générations de cela, un chef religieux a jeté un sort aux poissons de cette rivière; nul ne pourrait les manger, sous peine de voir son ventre gonfler jusqu'à ce que mort s'en suive. Une fois l'an seulement, le sort est momentanément levé, la pêche est autorisée et le produit de la vente des poissons est attribué à la construction/rénovation de la grande mosquée qui s'élève sur le rivage. 


Seulement, il est arrivé que le jeteur de sort meure subitement  (la légende ne dit pas si c'est d'une indigestion de poissons géant) et qu'il emporte le secret du sortilège dans sa tombe. On ne put donc plus pêcher à Lubuk Landur pendant de longues périodes et les poissons grossirent parfois jusqu'à atteindre la taille d'une jambe, jusqu'à ce qu'un autre chamane bien renseigné put à nouveau lever le charme. 


Voilà ce qu'on m' a raconté, je vous laisse échafauder raisonnements rationnels et/ou des analyses sociologiques qui dissiperaient la magie des lieux, j'ai moi-même essayé en vain de distinguer entre les cabanes bringuebalantes qui courent le long de la rivière la trace d'un barrage ou d'une explication, mais je n'ai eu que le temps d'apprécier furtivement l'ambiance très particulière de Lubuk Landur, où l'on attend avec un respect craintif la venue du Cheikh de la mosquée pour faire ses ablutions parmi les poissons.

Cet homme n'est pas le Cheikh mais mon mari, ne pas confondre.



samedi 7 juillet 2012

Tout l'or d'Ophir



Notre première étape est familiale. Deux ans après notre dernière visite en Indonésie, nous sommes allés directement à Sumatra Ouest, où vivent mes beaux parents, une des deux soeurs de mon mari et son frère, avec leurs petites familles. 


D'origine javanaise, mes beaux-parents sont allés s'installer à Sumatra il y a bientôt  30 ans, après une première carrière de mon beau-père dans l'armée, en suivant un programme gouvernemental, la "transmigrasi" qui visait à répartir la population indonésienne depuis l'île de Java, démographiquement congestionnée, à l'île de Sumatra, beaucoup moins peuplée, pour y cultiver des terres encore inexploitées. Il leur fut attribués deux hectares et  ils s'organisèrent en coopérative agricole avec les autres nouveaux arrivants autour d'une culture principale: le palmier à huile. 

Promenade dans la palmeraie

Une usine mise en place par le gouvernement achète la récolte de noix de palme à ces coopératives, en gardant un pourcentage pour remboursement des plantations. Autour des maisons, les jardins (5000m²), les "kebun",  sont voués à des cultures plus variées, selon le libre choix de leurs propriétaires. Les parents de Budi y ont planté des cacahuètes, du manioc, du maïs, puis du cacao, mais une maladie décime actuellement les cacaotiers (?) ils seront donc bientôt remplacés par du maïs.... transgénique. C'est ce que Budi, mon mari, a compris en parlant avec son papa, il lui a conseillé de se tourner vers des variétés plus anciennes.


On connait en France la mauvaise réputation de l'huile de palme, dont la culture intensive et galopante dévaste les forêts vierges indonésiennes, dont la qualité nutritive est très contestée, elle envahit tous les produits de consommation et beaucoup de consciences s'élèvent contre ce produit jusqu'à le diaboliser.

J'ai vu là-bas un visage aimable de la culture de la noix de palme, qui a fait de ces forêts une campagne cultivée traversée de rivières, où des maisons en bois pour certaines ou en dur pour d'autres, entourées de jardins luxuriants longent des chemins plus ou moins cahotiques, où toute une population de paysans et de marchands prospèrent grâce au fruit d'un travail patient. 




Il est de bon ton de s'offusquer de la déforestation et de la scandaleuse cupidité des sociétés productrices d'huile de palme, et je partage l'affliction des amoureux de la nature,  mais la réalité du terrain ouvre d'autres pistes de compréhension. La prise de conscience des effets dévastateurs de cette culture intensive est assez récente, et il faut rappeler que l'introduction du palmier à huile en Indonésie incombe aux colons hollandais au XIXème siècle. Une partie du monde occidental déplore les degâts de cette culture, mais il est aussi un consommateur vorace de son produit. 

 S'il appartient au gouvernement indonésien de contrôler l'aménagement de son territoire, il est de sa responsabilité de favoriser la prospérité de sa population. Et la noix de palme n'enrichit pas que les grandes sociétés. Là où la culture céréalière ( non moins dévastatrice pour les terres européennes) emploie un ou deux fermiers pour des centaines d'hectares, l'organisation du travail agricole en Indonésie procure de l'emploi à des centaines de gens.



La critique des choix politiques du gouvernement indonésien est même perçue par certains ici comme une tentative de freiner l’ascension d'un pays émergent de la part de pays plus anciennement développés... et qui ont  depuis longtemps déjà établi leur richesse au détriment de la vie sauvage.

Le quartier de Pasaman où nous étions s'apelle Ophir. Ida Pfeiffer, une intrépide exploratrice autrichienne passa par là vers 1850 et nota l'analogie avec les légendaires mines du Roi Salomon. Je doute que les richesses actuelles de ce quartier ne satisfassent les goûts de luxe du roi Salomon ou même de chefs d'états plus récents et "bling bling", mais elles sont perçues par ses habitants comme une bénédiction, via la culture du "kelapa sawit".